L’envie d’écrire un projet autour de la musique « source » de toutes les musiques improvisées, le blues, m’accompagne depuis plusieurs années maintenant. Symbole de liberté, synonyme de diversité et d’ouverture, la musique originelle de l’Amérique noire est de celles qui m’ont enseigné à repousser les frontières de mon art. J’ai débuté la musique en faisant danser le public des bals populaires, comme le faisaient Charlie Patton ou Son House dans le Mississippi de l’entre-deux-guerres. De cet apprentissage, j’ai appris que le blues était un chant et une danse qui permettaient aux émotions intérieures de trouver un écho au-delà de la sphère intime, avec le son comme signature. Des rencontres et des collaborations, on le sait, naissent les idées et les envies. Croiser le chemin de Sebastian Danchin m’a ainsi soufflé l’ambition de travailler ensemble à un programme imaginé autour du blues, une musique en forme de patrimoine humain dont il explore les arcanes depuis plusieurs décennies. La force du blues tient à son pouvoir de narration individuel. Cette affirmation m’a frappé comme une évidence puisqu’il est question , dans cette exploration du blues, de retrouver ma propre histoire.
Savante ou autodidacte, cette langue universelle possède le pouvoir de toucher, d’interroger, d’interpeler, de partager, de communiquer.

Le parcours d’Éric Séva, de l’univers des bals populaires à celui des scènes les plus prestigieuses, s’inscrit dans une logique comparable à celle du jazz. Avant de s’imposer universellement comme « la musique savante de l’avenir», ainsi que la surnommait Maurice Ravel de façon prémonitoire. Ma connaissance intime du blues, de son fardeau émotionnel et de sa fonction cathartique, me suggère d’inciter Éric à y puiser l’essence même de sa propre sensibilité, de sa propre histoire. Le blues, traduction verbale d’une lutte de tous les instants contre l’adversité, trouvera chez lui une voix inattendue grâce à l’oralité des saxophones, sublimée par l’usage inattendu de la pédale wah-wah. Body & Blues, nouveau projet d’enregistrement et de scène dont il m’a demandé d’en assurer la cohérence artistique. Entouré d’un panel impressionnant de musiciens dont le passé confirme la familiarité avec les racines du jazz, Éric Séva a composé pour ce projet plusieurs thèmes magnifiques à la gloire de la note bleue, auxquels s’adjoindront le bluesman Harrison Kennedy (Prix Charles Cros 2015) et l’harmonica de Jean-Jacques Milteau en invité spécial.